Il courait, il courait, autant qu'il le pouvait, dans la brume impénétrable d'une nuit sans lune. Des cris se faisaient entendre au loin: « Où est-il ?! », « Retrouvez-le, et tuez le ! ». L'homme s'arrêta pour reprendre son souffle un instant. Il reprit finalement sa course effrénée jusqu'à ce qu'il tomba nez à nez devant un autre individu vêtu de noir qui, armé d'une dague, lui assena un violent coup sur la tête.  
 

Glaedr se releva brutalement de son lit. Son visage habituellement doux et paisible était recouvert de sueur. Il haletait, mettant sa main sur sa poitrine pour calmer son coeur quand il remarqua que son bras était cassé et le faisait souffrir atrocement. Glaedr décida de se relever. Tout lui paraissait bien étrange, il ne reconnaissait rien. Il s'approcha d'une glace et s'y regarda. Son visage était mutilé, comme le reste de son corps, à la musculature plutôt développée. Ses mains étaient pourvu de griffes qui avaient l'air aussi tranchantes que des lames de rasoirs. Il avait les yeux d'un bleu aussi profond que l'océan, un nez fin, et des oreilles qui n'était aucunement humaine: elles étaient pointues, comme les elfes ou les fées. Tout ceci l'intriguait de plus en plus, mais ce qui le choqua le plus, c'était la marque qu'il avait sur la tête: l'emprunte d'une lame, comme dans son cauchemar. Était-ce possible ? Glaedr regarda autour de lui, et vit quelques vêtements tachés de sang, ainsi qu'un arc à l'apparence rudimentaire avec un carquois vide. L'homme s'y approcha, tendit une main, lorsque soudain, il se vit dans une vision en train de tirer à l'arc avec d'autres hommes armés face à des soldats ennemis à l'air menaçant. Aucun d'eux ne faisait le poids contre cet archer hors pair.  
 

Il fut brusquement revenu à la réalité lorsqu'une jeune personne fit son apparition dans son dos, et l'interpella:   
 

« Vous êtes debout ? Heureusement que mon frère vous a retrouvé, sinon je n'ose imaginer ce qu'il vous serait arrivé. »  
 

Glaedr lui fit volte-face, la sondant de haut en bas. C'était une jeune fille d'à peu près une vingtaine d'année à peine, fine, au visage souriant pourvu de deux magnifiques yeux couleurs noisettes. Elle était d'apparence fragile, ce qui ne l'empêcha pas d'être armé d'un arc et d'un carquois remplis de flèches qu'elle portait dans son dos.   
 

« Je m'appelle Claire, je me suis occupée de vous quand vous étiez inconscient. Vous souvenez vous de quelques choses ?  
-Heu ... Je m'appelle Glaedr, et, ... Heu ... Enfin, je ne suis plus sûr de rien. », balbutia-t-il avec beaucoup de difficulté en posant sa main valide sur sa tête.  
« Je comprend, vous avez reçut un violent choc sur la tête, vous ne vous souvenez plus de rien ? D'où venez-vous ? Du château ?  
-Du château ? Heu ... Je ne pense pas ... Enfin ... Je ...  
-Il vaut mieux que vous vous reposiez encore un temps, je vais vous apporter un potage pour vous revigorer. »  
 

Claire s'en alla, laissant Glaedr sur son lit. Il médita sur tout ce qu'il venait de lui arrivé, enfin, à vrai dire, pas grand chose, puisque aucun souvenir n'avait l'air de vouloir remonter. Et ce cauchemar ? Et cette vision qu'il a eu ? Il se posa d'innombrable questions qui restait sans réponse. La jeune demoiselle, de son côté, revenait avec un potage chaud, ainsi que de l'eau bien fraîche et une miche de pain qu'elle tendit à Glaedr qui se mit à manger comme si sa vie en dépendait.  
 

« Vous êtes sans doute resté longtemps dans l'eau. Peut-être depuis plusieurs jours, dit-elle sans le quitter des yeux. Mon frère vous a retrouvé étendu à la surface de la rivière qui parcourt le village. Vos affaires étaient couvertes de sang, et vous étiez gravement blessé. J'ai pansé moi-même vos blessures. »  
 

Glaedr regarda son bras et admit qu'elle avait fait du très bon travail. Quand il eut fini, Claire lui donna des vêtements propres et lui annonça qu'elle devait s'absenter un moment. Il était ici chez lui avait-elle dit, avant de s'esquiver. Glaedr s'habilla du mieux qu'il put en faisant attention de ne pas rouvrir la blessure béante qui lui traversait le bras droit dans toute sa longueur. Glaedr prit l'arc et le carquois qu'il avait aperçut tout à l'heure, et l'examina attentivement, espérant retrouver cette sensation que la vision lui avait procurée, mais rien. Il sorti de la chambre et visita les lieux. C'était une petite chaumière de villageois, avec en guise de décoration des trophées de chasses. Glaedr les examina un par un. On pouvait y reconnaître des sangliers entre autres, mais aussi des créatures peu communes, comme un serpent long de cinq mètres qui parcourait et entourait les quatre murs de la maison telle une ceinture. Tout cela était inhabituel, mais étrangement, Glaedr n'était choqué de voir ses créatures fantastiques que parce qu'elles se trouvaient en ces lieux, et non pas parce qu'elles étaient soi-disant légendaires ou mythologiques.   
 

Glaedr vit la porte d'entrée et se risqua à sortir. Il se trouvait dans un village, mais ce village était à priori vide. Comment cela pouvait être possible ? Il visita les lieux, et ne vit rien d'autre que des échoppes fermées, des logements abandonnés. Pourtant, ils étaient habités il y a peu: de la fumée provenant de la cuissons de la viandes s'échappa des habitations, ... tout avait été laissé en plan. Glaedr continua son chemin jusqu'à ce qu'il vit se dresser devant lui une immense statue. Tous les villageois s'y étaient rassemblés. C'est donc pour ça que le village était abandonné se dit-il intérieurement. Il reconnu son hôtesse non loin de lui et décida d'aller la rejoindre. Elle était assise en tailleur, chantant une mélopée qu'il ne reconnu pas. Il s'installa près d'elle, ce qui l'effraya. Elle baissa la tête et lui demanda ce qu'il faisait là et pourquoi il n'était pas au lit.  
 

« Je ne me souviens peut-être plus de rien, mais je sais encore que je ne suis plus un enfant, lui chuchota-t-il, la tête basse.  
-Vous n'êtes plus un gamin, mais vous agissez de cette manière ! »  
 

Glaedr ignora sa remarque déplaisante et lui demanda ce qu'il se passait. Claire lui répondit qu'il s'agissait de la déesse Lilly, protectrice des archers, chasseurs, et des femmes en général. Il était vrai que bon nombre de femmes avaient fait le déplacement. Cette journée lui était consacrée comme étant le jour où elle créa les Hommes, les animaux, ainsi que d'autres créatures fantastiques et Dieux en tout genre. D'après elle, l'ancien roi qui régnait la vénérait.  
 

« Ancien roi vous dites ?   
-Oui, mais je vous expliquerais cela tout à l'heure, je dois priez la déesse. »  
 

Glaedr consenti à cette demande et se tut. Lorsqu'il entendit sa nouvelle amie chanter de nouveau, il ne put s'empêcher de l'imiter, comme si il connaissait les paroles, ou qu'il les avait lui-même écrite. Claire fut très étonnée, mais ne laissa rien paraître tant qu'elle devait prier. Glaedr lui-même ne savait pas comment il pouvait connaître une telle chanson, mais continua sans une fausse note. A la fin de ce chant qui dura une bonne dizaine de minutes, le prêtre qui se trouvait sur une estrade devant la statue prit un couteau et ouvrit un sanglier qu'il offrit en offrande à la déesse. Soudain, un être lumineux fit son apparition, et toutes et tous se prosternèrent devant cet être divin, sauf une personne. En effet, Glaedr ne se courba pas, préférant observer cet être ressemblant d'avantage à une créature mi-homme, mi-lézard qu'à un Dieu. Le reptile fit volte-face car il sentait un regard se concentrer sur lui. Heureusement pour Glaedr, le monstre ne le vit pas car Claire venait de le faire se courber en lui donnant un violent coup dans l'estomac. Le lézard lumineux prit le sanglier et repartie en projetant un raid lumineux sur les villageois qui se relevèrent enfin. Claire s'excusa auprès de Glaedr en lui expliquant que si le Dieu l'avait vu, il l'aurait sans doute tué.  
 

« Personne n'a le droit de voir un Dieu, c'est interdit, le sermonna Claire.  
-Ce n'est pas un Dieu, lâcha Glaedr.  
-Quoi ? Comment ça ? Bien sûr que si.  
-Je te dis que non, j'ignore ce que c'est, mais ce n'est sans doute pas un Dieu. »  
 

Claire l'emmena dans un coin tranquille, à l'écart du monde.   
 

« Alors, tu as pu le voir toi aussi ? Lui demanda Claire.  
-Comment ça « toi aussi ? ». Tu l'as vu ?  
-Moi non, mais un visiteur qui se trouvait au village oui, il m'a affirmé la même chose, et quand on s'est donné rendez-vous pour qu'il me prouve ses dire, je ne l'ai jamais revu.   
-Quand était-ce ?  
-Il y a deux semaines environ. Tu es bien sûr que ce n'est pas un Dieu ? Pourtant, il rayonne, et tout ...  
-C'est typique de toutes croyances, il faut qu'un être brille pour que ça soit un Dieu, dit-il d'un air las.  
-Alors, que faisons-nous ?  
-Pour le moment, rien, quand à lieu la prochaine procession ?  
-Dans deux jours.  
-Très bien, ce sera donc dans deux jours que nous le démasqueront », affirma-t-il.   
 

Claire lui fit visiter le village en parlant d'autre chose, mais, elle était inquiète, et ne voulait pas perdre son nouvel ami comme ce voyageur qu'elle a rencontré il y a deux semaines de cela.