Chapitre trois.
Ayant finalement réussi à pénétrer dans le village sain et sauf, Vladimir et Louhane firent une halte dans une auberge non loin de là. Les gens de passage ne firent guère attention à eux, mais les habitants les dévisagèrent avec mépris : en particulier Louhane qu’ils avaient reconnu comme étant une humaine. Assis à une table dans un recoin d’ombre, Vladimir ôta son capuchon et ce attira le regard d’une serveuse. Il l’appela et demanda des rafraichissements et de quoi manger. La jeune fée lui lit la carte jusqu’à ce que les mots « viande rouge » fassent leurs apparitions. Il commanda immédiatement ce qu’il appelait son met favori et demanda à la Princesse ce qu’elle souhaitait en lui affirmant qu’il paierait. Elle commanda une maigre cuisse de poulet et une petite salade : elle n’était pas en étant, bien qu’affamée, elle n’avait plus la force de manger quoi que ce soit. Cela faisait un jour et demi maintenant qu’elle s’était évanouie en utilisant toute son énergie vitale, et elle n’avait pas encore réussi à récupérer totalement, même après une bonne journée de marche. Le vampire lui promit qu’ils se rendraient chez un prêtre médecin pour vérifier si tout allait bien.
Ils parlèrent pendant une dizaine de minutes, puis, lorsque les commandes arrivèrent, Vladimir attaqua de suite la viande comme si sa vie en dépendait. Louhane mangea lentement et encore de façon maniérée malgré le fait qu’elle ne soit plus au palais. Pendant ce temps, plusieurs regards se posèrent sur eux, et bien que Vladimir ne s’en soucia pas plus que cela, la jeune femme savait qu’ils lui étaient destinées : il s’agissait de regards emplies de haine. Elle rapprocha sa chaine près du vampire en qui elle avait le plus confiance.
« Un conseil, mange. » Dit le vampire sans relever le nez de son assiette. « Sinon, ils t’en voudront encore plus parce que tu ne fais pas honneur à leurs plats. »
Louhane acquiesça d’un signe de tête et commença sa cuisse. Une très bonne odeur se dégageait du plat, se qui couvrait un peu celle de trois hommes qui buvaient et fumaient à la table d’en face. Cette odeur l’insupportait, mais elle ne pouvait se permettre de faire un caprice de princesse pourri-gâtée. Si elle voulait les bonnes faveurs de Kiel, il fallait qu’elle se tienne bien.
Après avoir bien mangés, les deux compagnons s’en allèrent après avoir payé la serveuse qui les avait servis. Mais en passant près de la table des trois fumeurs, l’un d’eux cracha au visage de Louhane qui prit un mouvement de recul, trébucha, et tomba au sol. Tous rirent de bon cœur, jusqu’au moment où Vladimir empoigna le fraudeur d’une seule main et l’allongea sur la table, l’empêchant par la même de s’exprimer, voir même de respirer.
« Dit moi que tu n’as pas osé faire ceci. Dit moi qu’elle est tombée seule, sans aucune aide extérieure. » Tonna Vladimir, tout en gardant son calme du mieux qu’il pouvait.
Le bandit ne pouvait ni bouger, ni même faire quoi que ce soit, car le peu qu’il bougeait, le vampire resserrait de plus en plus son étreinte. Les deux autres se précipitèrent pour sauver leur compagnon, mais Vladimir donna un coup violent à l’un des pieds branlant de la table, ce qui la fit se mettre à la verticale, plongeant par la même le bandit à demi étouffé hors de la table. Les deux autres, stupéfait, dégainèrent leur épée et se précipitèrent sur le Vampire en le traitant de « traitre ». Le Saigneur pourpre se transforma rapidement en flaque de sang pour esquiver les coups. Il n’eut cependant pas le temps d’absorber leur souffle vital, car la jeune et frêle serveuse avait invoquée ce qui semblait être un gardien. Ce dernier, haut d’au moins un mètre trente, était armé d’une gigantesque massue hérissée de pic. Il était coiffé d’un casque qui avait déjà servie dans bien des batailles, remplie de bosse et de creux. Il était également protégé par une épaisse armure de fer, ainsi que des jambières que seul lui pouvait réussir à déplacer. Malgré sa taille et son poids imposants, le géant se mouvait très facilement et les menaça d’un bon coup de masse s’ils ne vidaient pas rapidement les lieux. Les bandits bredouillèrent quelques excuses, et fuyaient loin du colosse, à l’extérieur de l’auberge. Vladimir, ayant reprit sa forme humaine, aida Louhane à se relever, et demanda son pardon à la serveuse et au gardien qui les acceptèrent.
« Hey ben, tu n’as pas changé, toujours aussi bourrin … » Soupira la petite fée qui semblait le connaître.
« Bah, que veux-tu, je n’appréciais pas tellement ce qu’ils ont osé faire.
-Humm, et toi, ça va ? Rien de cassé ? » Demanda la serveuse, confiante.
Louhane bredouilla un vague « Non, merci. » puis se retourna vers Vladimir qui lui expliqua que Vayne était une amie de longue date, et qu’elle était également la propriétaire de l’auberge.
« D’ailleurs, où sont passés tes serveurs ?
-En maladie, ils ont presque tous bu un verre de poison lors de l’une de leur fameuse nuit poker. Résultat : je n’ai plus que le cuisinier et un serveur qui l’aide aux fourneaux. Sympa hein ?
-Et tu sais de qui il s’agit ?
-Tu te souviens quand tu es passée le mois dernier ? »
Louhane fut très étonnée qu’il soit entré à Kiel le mois dernier, il était censé se reposer d’une longue bataille qui l’avait opposé lui et les soldats du roi aux guerriers du Chaos.
« Hey bien … » Continua Vayne « J’avais embauchée un mec qui t’avait massacré ton entrecôte, tu te souviens ?
-Ah oui, celui-là, j’avais du lui mettre un pain en récompense je crois ce jour là. » Dit Vladimir tout en remontant la table brisée.
« Hey bien c’est lui qui les as empoisonné, vu que je l’ai viré il y a deux jours car il avait déclenchée une bagarre générale. Du coup, il est en prison, mais il refuse de me dire comment faire pour qu’ils guérissent plus vite. Tout ce qu’on dit les médecins, c’est qu’ils étaient hors de danger, mais hors d’états de travailler pendant une bonne semaine, alors là, j’attends et je patiente. Mais je pense que demain, je ferme et j’attendrais qu’ils reviennent, c’est ingérable sinon.
-Bah je t’aurais bien proposé notre aide, mais on doit aller voir le Roi. On a besoin de lui et de tous ses soldats pour pouvoir aider ces humains dont en voici la représentante officielle. »
La propriétaire détailla de bas en haut la jeune femme, demanda son statut dans leur société. Lorsqu’elle apprit qu’il s’agissait d’une Princesse dont le père avait été tué par les démons du Chaos, la petite fée frissonna jusqu’à la pointe de ses ailes translucides.
« Je n’aime vraiment pas la tournure que cela prend. Penses-tu réellement qu’avec le mépris qu’ont ces humains envers nous, le roi t’aidera ?
-Si ce n’est pas le cas, il devra affronter une guerre sans alliés humains cette fois-ci, car les guerriers du Chaos approche à grand pas, et raseront toutes nos cités d’ici peu si nous ne les abattons pas rapidement. »
La petite femme n’avait pas l’air très convaincu, mais en conclu que c’était encore la meilleure des solutions. Elle dit aux deux voyageurs que le roi était encore à son palais, et qu’avec de la chance, il recevra le vampire.
« Et pourquoi pas moi ?! » S’indigna Louhane qui regretta d’avoir haussé le ton en baissant la tête.
« Parce que vous êtes une humaine, peu de monde ici parle aux humains car ils sont méprisés et haïes par la communauté elfique et féérique. Même les vampires ne les supportent pas non plus, mais se tiennent davantage à l’écart.
-D’ailleurs, penses-tu qu’ils nous aideront ?
-Le peuple vampirique peut toujours te rendre ce service, mais même si tes parents les as beaucoup dépannés à l’époque, cela ne sera pas gratuit. »
Ils continuèrent de discuter pendant une bonne vingtaine de minutes, puis finirent par se rendre à l’étage, où des lits confortables les attendaient. Bien que la tradition voulait que cela ne se produisent pas, Louhane et Vladimir dormirent dans la même chambre, dans deux lits séparés par un voile de tissu mauve. Puis ils sombrèrent peu à peu dans un sommeil profond, sauf Louhane qui était encore inquiète. Elle se tourna vers le lit du vampire, tira le voile, le vit dormir paisiblement. Elle sourie, lui caressa la joue, et fini par se blottir dans les bras de Morphée.